"L'heure de tous"

Publié le par L'équipe d'1h22, pour vous servir.

En 1989, le sculpteur Arman laisse son empreinte sur le parvis de la gare Saint-Lazare.

Son oeuvre "L'heure de tous" est une accumulation d'horloges, toutes arrêtées.

Si l'on s'attarde sur quelques unes d'entre elles, les heures 08h20; 19h10 y sont à jamais arrêtées.

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08h20;

 

Heure de pointe, la foule est au rendez-vous, tout le monde court dans tous les sens. Des hommes parcourent le hall d'un pas franc et décidé, tenant d'une main une malette et de l'autre un parapluie en prévention de la pluie annoncée. 

Les hommes et les femmes s'entremêlent, se bousculent, se toisent, mais parfois se sourient. Un petit groupe de femmes emmitouflées dans leurs manteaux, tiennent la cadence du haut de leurs talons. C'est un spectacle impressionnant que de s'arrêter en plein milieu de cette gare et de regarder autour de soi.

Les gens ne s'arrêtent pas pour répondre aux questions : "Je suis vraiment désolée Mademoiselle, je n'ai pas le temps", "Non désolé je suis préssé"; "Non, non désolé", pour les plus aimables. Ou simplement un "non" de la tête sans même un regard.

Le Relay du coin ouvert depuis plus d'une heure est déjà submergé. Les voyageurs y ont à peine plus de temps, excepté une bavarde du nom de Michèle, une quadragénaire vêtue d'un long et large duffle coat foncé pour cacher son embonpoint.

"Ah oui vous savez, je fais ce trajet depuis bientôt dix ans. Nous habitons Chartres. Au début le trajet paraissait interminable, vous savez 1h30 c'est long, mais à la longue on s'y fait. J'ai remarqué que depuis que je fais ces trajets, je lis beaucoup. Vous savez, avant je n'aimais pas vraiment ça mais maintenant je suis capable de dévorer un livre en trois jours".

 

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19h10;

 

Les quais sont submergés, le hall plein à craquer. La sécurité fait sa ronde habituelle, mais avec des effectifs plus importants. Peut-être à cause des menaces proférées par Al-Quaïda quelques jours plus tôt.

Des cravates tantôt ajustées se desserrent. Des chignons tantôt dressés, se dénouent, tandis que certains talons sont troqués contre des ballerines.

C'est la fin de la journée, mais certains râlent pour quelques minutes de retard annoncées pour le train en direction de Saint-Nom-la-Bretèche. Ils ont tous hâte de rentrer chez eux. Leurs réponses sont brèves.

 

Patrick 54 ans; "J'ai fait le choix d'habiter (il réajuste frénétiquement ses lunettes sur son nez) en proche banlieue pour avoir une maison, mais je ne pensais pas que la SNCF me ferait regretter ce choix".

Estelle 21 ans "Je vis encore chez mes parents (avec un écouteur toujours à l'oreille droite), mais j'étudie à Paris. Je suis en train de me chercher un appart'. Les trajets sont longs et me font perdre un temps fou. Et en plus, je suis souvent en retard."

Marguerite 34 ans; "On cherche à déménager, mais ce n'est pas facile de trouver quelque chose de bien mais à un prix abordable. Les trajets sont épuisants, surtout que je suis enceinte (elle caresse affectueusement en souriant).

 

Quelques 500.000 passagers défilent tous les jours dans cette gare. Nombreux sont ceux qui comme Patrick, Estelle et tous ceux qui n'ont pas eu le temps de répondre, sont pressés. Peu sont ceux qui prennent le temps de regarder autour d'eux.

 

"Quand une pendule est vue de côté, elle n'indique plus l'heure". Marcel DUCHAMP

 

 

      -R-

 

 

 

 

 

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