Trafic d’organes au Kosovo : le conflit interethnique perdure

Publié le par L'équipe d'1h22, pour vous servir.

Une autre forme d’hostilité, moins visible que la guerre au Kosovo en 1999, fait des victimes ; le trafic illicite d’organes humains, découvert en novembre 2008, profitant ainsi du chaos politique et social qui règne dans cet état nouvellement indépendant.

 

Un contexte politique très déséquilibré

 

Le Kosovo est issu de l’éclatement de la fédération yougoslave en 1992. Cet état, récemment proclamé indépendant le 17 février 2008, est essentiellement peuplé d’albanais à 85% et de 5 à 10% de serbes. Ces deux communautés ne sont pas prêtes à cohabiter ensemble. D’un côté, les serbes prônent un rattachement de la partie occupée par le peuple serbe (Dans le nord du Kosovo, frontalier à la Serbie), de l’autre côté, les albanais (UCK [mouvement nationaliste albanais, armée de libération du Kosovo]), sont foncièrement partisans de l’indépendance de l’état. D’où, schématiquement, les raisons de la guerre au Kosovo dans la fin des années 90.

 

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A partir de là, il apparaît très périlleux de fonder une politique stable au sein de l’état. Plusieurs zones militaires occupent le territoire (17.000 soldats de la KFOR : italiens, français, anglais, américains, allemand). Les combats ont cessé depuis plus de dix ans, mais la cohabitation reste toujours entravée. De ce fait, la stabilité sociale et économique en pâtit profondément.

 

Cette incapacité à cohabiter se solde par des tensions plus ou moins évidentes. Le trafic illicite d’organes humains en fait partie.

 

Le trafic d’organes : un résidu des tensions interethniques entre serbes et albanais. Mais pas que.

 

Durant la guerre au Kosovo, il y a plus de dix ans, le mouvement nationaliste albanais (L’UCK) avait fait des prisonniers serbes. Or les serbes sont les premières victimes de ce trafic. Ces derniers accusent clairement l’UCK d’en être l’auteur. Seulement la réalité est bien plus complexe que cette apparence manichéenne.

 

[Lecteurs, ne vous en allez pas, « complexe » n’est pas forcément synonyme d’explications incompréhensibles. C’est là que ça devient intéressant.]

 

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Le trafic d’organes a été découvert par la police kosovare, en novembre 2008. Tout commence à l’aéroport de Pristina, la capitale du Kosovo. Yilman Altun, un jeune turc de 24 ans, y attendait le vol pour Istanbul. Son évanouissement interpelle les policiers kosovars et révèlent la cicatrice à l’abdomen du jeune turc. Il parle et explique que contre 15 000 €, il a donné un rein à la clinique de Medicus, à Pristina. Ces 15 000€ ne seront versés qu’après l’opération, lorsqu’il devait arriver à Istanbul.

La clinique est perquisitionnée le lendemain de cette découverte, par cette même police. Un patient israélien de 74 ans s’y trouvait, après la transplantation de son nouveau rein, qui n’est autre que celui du jeune homme turc opéré la veille. Ce rein lui a coûté 90 000€. Des tests sanguins et autres preuves de transplantations d’organes ont été mises à jour.

 

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Suite à ces fâcheux évènements, le procès contre les dirigeants de cette clinique s’est ouvert le 14 décembre 2010. C’est l’EULEX, la mission européenne de police et de justice, qui est chargée de rétablir un Etat de droit. Mission indispensable pour une justice juste. Ce pléonasme a sa place dans ce cas, car les juges kosovars étant payés au lance-pierre (400€ par mois environ), il est primordial qu’EULEX assiste ces autorités pour éviter toutes dérives judiciaires. Le Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), avait commencé à évaluer des traces d’un trafic d’organes, mais les investigations ont du être abandonnées, pour cause de problèmes structurels (manque de moyens et de personnels). Il fallait donc une relève stable et sûre.

Le procureur du tribunal Jonathan Ratel affirme que « 20 à 30 personnes originaires de Russie, du Kazakhstan, de Moldavie et de Turquie ont été délestées d’un rein ». Pas étonnant que la réalité soit plus complexe qu’il n’y parait, avec autant de victimes d’origines différentes.

 

 

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Les principaux auteurs de ces transplantations illégales sont des médecins compétents. Manfred Beer, un urologue allemand a cédé à la tentation du gain facile avec le Dr Lutfi Dervishi, urologue lui aussi. Ils ouvriront la clinique « Medicus » à Pristina. Puis Dervishi aurait proposé d’offrir ses services à des trafiquants d’organes à Istanbul, en 2006, lors d’un congrès médical. Le réseau de trafic d’organes turco-israélien a fini par alimenter l’activité de la clinique et a fournit des hommes à transplanter. D’où le jeune turc découvert à l’aéroport de Pristina, il y a un peu plus de deux ans. Mais il y a aussi les ressortissants serbes restés au Kosovo après le conflit de 1999. Ceux-ci ont été faits prisonniers à cette époque et ont été des victimes faciles pour les urologues trafiquants. Aux côtés de ces deux médecins, il y en a d’autres : un médecin turc, Yusuf Sonmez, un israélien Moshe Harel.

Aujourd’hui, ces deux derniers sont en fuites, pendant que les autres sont en cours de jugement.

 

 

 

-Alice-

Publié dans Ca m'énerve !

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